Les contes interdits T31 : Le Bonhomme sept heures by Yvan Godbout

Auteur:Yvan Godbout [Godbout, Yvan & Yvan Godbout]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Horreur
Éditeur: ADA
Publié: 2023-01-17T00:00:00+00:00

Chapitre 11

Trempée de la tête aux pieds, et seule sur le rocher qui a été témoin de la mort de Martin des années auparavant, Monique abaisse les paupières. Frissonnante, elle se laisse rudoyer par le vent, écoutant le bruissement des vagues et le ricanement des mouettes. Elle repense à son cousin, mais surtout, à la promesse qu’elle lui a faite. Son cœur se serre ; ce ne sera certes pas un jeu d’enfant. Le moment cherche à s’étirer, mais Monique l’en empêche : le temps « file très vite entre ces murs », même si ces derniers demeurent pour l’instant invisibles… Si elle veut quitter ce labyrinthe, elle doit reprendre la nage. Ensuite, trouver Laurie. Et bien sûr, Alexandre…

Les parfums marins se dissipent, le chant des oiseaux s’estompe.

Aux oreilles de Monique, un bruit sec. Comme un…

… claquement de doigts.

Elle ouvre les yeux. Autour d’elle, les eaux du fleuve Saint-Laurent se sont évaporées. Elle n’est plus assise sur le rocher de son enfance, mais plutôt sur sa robe de chambre lilas recouvrant un sol rocailleux. Et elle ne frissonne plus parce qu’elle est désormais aussi sèche que le sol foulé par ses pieds. Sur sa peau marquée par les ronces, les brûlements s’estompent. Juste un peu.

Devant et derrière Monique, un long couloir s’étirant sans fin, et de chaque côté, des murs qui s’élèvent vers un ciel morne et gris. Elle s’en étonne peu : même réels, les cauchemars du labyrinthe s’amusent à lui jouer des tours.

En se redressant, Monique fixe tour à tour les deux horizons qui s’offrent à elle. Aucune trace de vie, pas même l’une de ces fichues gobeuses de miroir. Elle n’a pas la moindre idée de la direction à prendre. Une mère devrait savoir où se trouve son enfant, non ? Du moins, le ressentir. Un sixième sens que toutes les mamans du monde possèdent, à ce que l’on dit. Toutes sauf elle, apparemment…

Avec une angoisse naissante au creux de l’estomac, Monique ramasse sa robe de chambre et s’en revêt. Au loin, un cri d’oiseau retentit, puis une silhouette noire se détache à contrejour sur le gris du ciel.

Monique sourit.

Elle savait bien que, tôt ou tard, l’un de ces fichus volatiles ferait son apparition. Nouant la ceinture en ratine de velours autour de sa taille, Monique marche vers la corneille qui, espère-t-elle, cherche son attention.

• • •

Épuisé, Alexandre atteint enfin la grève. Devenues trop lourdes, ses paupières s’abaissent. Lorsque ses mains s’enfoncent dans le sable blanc, il soupire de soulagement. Un moment, il oublie presque les rouleaux d’eau vaseuse qui s’échouent sur son corps malmené et qui raniment chaque égratignure. Alors que le vent siffle à ses oreilles et qu’un chœur de mouettes chante au-dessus de lui, il reprend son souffle. Puis, peu à peu, le calme s’installe en compagnie du silence. Qu’un croassement vient bientôt briser. Il se répète, se rapproche et s’éloigne, jusqu’à devenir hypnotique. Et avant que le sommeil le prenne dans ses mailles, Alexandre le contourne en rouvrant les yeux. Entre ses doigts, de la terre et de la poussière de roche.

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